Retour sur le hackathon de l’ENA et ces 3 jours de Conception innovante des politiques publiques
L’École nationale d’administration (ENA) a inauguré du 14 au 16 juin derniers la première édition de Conception innovante des politiques publiques, une « opération innovation » sur une thématique très concrète : la réinsertion sociale des jeunes en situation de décrochage ou éloignés des politiques d’emploi. Représentants des Missions locales, de Pôle Emploi ou bien encore de l’École de la deuxième chance étaient invités à juger sur pièces les projets présentés à l’issue de ces 3 jours. Des projets inter-écoles – l’ENA, Epitech, le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP),l’ENSCI et la Brasserie (des idées) -, visant à « inventer ensemble, les nouveaux outils du service public ».
3 x 3
Ces 3 journées étaient déclinées en 3 « ateliers » : l’un orienté Design, l’autre sur le Nudge et enfin, le hackathon avec la participation des étudiants Epitech apportant avec eux leur expertise informatique. Il est à noter que c’est du hackathon que provenaient le plus de projets, 7 en tout, ce qui s’explique aisément par la mobilisation de l’école qui a fait s’engager une trentaine d’étudiants venant non seulement d’Epitech Strasbourg mais aussi de Lyon, Marseille, Nice et Rennes.
Hors de sa zone
Pour Quentin Muller (promo 2020 à Strasbourg), « c’était intéressant de se pencher sur ces problématiques liées à Pôle Emploi et les Mission locales ». Ludovic Gueth, de la même promo et qui a participé cet hiver à Digitale Alternance à Epitech Strasbourg aussi renchérit : « c’est ça qui est bien ; nous, on n’a pas l’habitude de travailler sur ces sujets ».
(©ENA de même que la photo de la homepage de notre site epitech.eu)
Idéation
Terry Cristinelli, promo 2016 et assistant pédagogique Epitech (APE) à Marseille, est « venu ici pour accompagner les étudiants, les aider, les guider dans le développement de leurs projets tout en m’impliquant, moi aussi dans une équipe ». Il confirme que « cette expérience était super enrichissante, il y a eu beaucoup d’échanges entre les énarques et nous, les Epitech. Ils étaient très sympa, on s’est très vite mixé, on a eu des coaches qui nous ont aidés à trouver des idées de projet. Du coup, comme nous et un autre groupe avons eu 2 idées de projets similaires, on s’est regroupé ensemble en une même équipe, 5 énarques et 6 Epitech. On a pensé à un scénario et on a commencé le développement ».
L’attractivité de la méthode projet
Christophe, énarque et membre lui du projet « Game of jobs », nous donne son avis sur la façon de travailler en mode projet à la manière Epitech : « j’ai été impressionné par l’agilité des étudiants Epitech, les discussions étaient très fluides, ils se sont tout de suite mis au travail en se répartissant les différentes tâches, ils ont travaillé vraiment en symbiose pour réaliser le projet le plus rapidement possible. J’ai vraiment été impressionné par cette méthode agile, qui va au concret ».
Le prix coup de cœur du hackathon
Parlant concret, Antoine Boudet (promo 2020, Epitech Rennes), Walter Jay (promo 2020, Strasbourg) et Loic Linder (promo 2020, Strasbourg) ont eux travaillé sur « Les grands frères » : « une plateforme, décrit Antoine, qui permet d’améliorer les relations entre les décrocheurs et leurs parrains (les dits grands frères), de même que sur le suivi du parrainage. Une plateforme d’intermédiation pour améliorer et favoriser l’entrée ou le retour à l’emploi. Ce suivi est assuré par un « bot » qui renvoie des notifications au jeune s’il oublie de contacter son parrain par exemple au bout de 3, 4 jours. On ne veut pas enlever la relation humaine non plus : on veut juste que le « bot » aide à conserver la relation. Pareil dans l’autre sens, celui du parrain ».
Reconnaissance sociale du parrainage
Antoine poursuit, « après, on a tout un système de tableau de bord qui permet de rassembler beaucoup d’informations de façon très simple, à destination des Missions locales, Pôle emploi etc. de manière à suivre plus efficacement le parrainage ». « Et donc, rebondit Walter, la réinsertion des décrocheurs. Parce que de l’autre côté, on veut aider le parrain en lui « fixant » des tâches prédéfinies, parce que celui-ci ne sait pas forcément ce qu’il doit faire exactement non plus. D’ailleurs, on n’a pas eu le temps d’en parler pendant le pitch mais on a imaginé pour le parrain, une fois son parrainage terminé, une inscription automatique sur son mur LinkedIn, histoire d’avoir une reconnaissance sociale de son action ». Ne pas avoir eu le temps de parler de cet aspect pendant leur pitch ne les a pas empêchés de gagner le prix coup de cœur du jury.
Le terrain, c’est bien
Pour Maria, énarque, membre de cette équipe et projet, « ces 3 jours étaient hyper enrichissants pour nous, nous qui sommes conduits à travailler presque constamment sur de grands projets stratégiques. Travailler à l’échelle du terrain, en réfléchissant à des résultats très pratiques, c’est bien aussi. Ces 3 jours étaient hyper motivants ».
Les vainqueurs du hackathon
De façon affinitaire, les étudiants d’Epitech Nice se sont eux regroupés dans la même équipe : ProxiJob. Et ce sont eux – Alexandre Leick, Etienne Passot, Melvin Nalepka, Gaël Thomas et Alexandre Sarti (tous promo 2021) -, qui ont remporté ce challenge avec leurs « camarades » de l’ENA. Si l’on se réfère à sa baseline « Un job à portée de pouce », on comprend vite que cette appli basée sur la géolocalisation aide à trouver un emploi. Mais Alexandre nous en précise les contours : « on est parti d’un constat simple, les jeunes en situation de décrochage scolaire ou en difficulté d’intégration n’ont aucune formation, en tout cas pas de réelle compétence professionnelle. L’idée c’est que des employeurs leur donnent une chance sur un besoin immédiat ne nécessitant pas de compétence précise. Typiquement, imagine un responsable de restaurant que le plongeur vient de lâcher, il en a absolument besoin pour son service du soir, il ne sait pas comment faire : il met une annonce sur notre appli, tous les demandeurs d’emploi aux alentours sont notifiés et décident d’y répondre, ou pas ».
Reconnexion
« Le but c’est de faire mettre un pied à l’étrier à ce public, dans un environnement de travail tel que la restauration mais pas seulement. Si le secteur lui plaît, on lui propose de le re-diriger vers une formation où il pourra commencer à explorer les différentes facettes d’un métier, manière de le motiver encore plus à prolonger cette formation. Il se sent ainsi, d’après nous, mieux épaulé ».
Dématérialisation
« Sur le côté contrat et juridique, détaille le second Alexandre (Sarti) du groupe, on l’a vu d’ailleurs dernièrement en interne à l’école avec la signature électronique de nos conventions de stage, on peut faire aujourd’hui des contrats dématérialisés, il faut juste passer par un cabinet d’avocats ou de juristes pour générer les contrats, en en préparant plusieurs types en amont ».
Death of the paperasse
« On a voulu simplifier au maximum : le demandeur d’emploi a le strict minimum à renseigner, il rentre juste son numéro de sécurité sociale lors de la création de son profil, avec les autres infos basiques (nom, prénom etc.). Du côté employeur, pareil : n° de SIRET et le strict nécessaire. Tout est croisé pendant le « matching
« » employeur / employé, le contrat se génère automatiquement, ainsi que la feuille de paie. Tout est prévu pour alléger la « paperasse », que l’employeur par exemple n’ait pas à appeler son comptable pour que celui-ci fasse un contrat dans l’heure ».
Retour d’expérience
« C’était génial ce hackathon, on est venu d’ailleurs exprès de Nice, pour travailler avec des personnes d’autres horizons, qui touchent à des choses qui sont vraiment nouvelles pour nous et voir de nouvelles notions. Une expérience au top, on a échangé nos contacts et on ne sait jamais… on a peut-être le contact du futur président ! » (sourires).
Le trac, un signe annonciateur de succès
« J’avais quelque appréhension, avoue Lionel Brosius, directeur pédagogique régional d’Epitech Strasbourg, un peu le trac devant le choc des cultures représentées par l’ENA d’un côté et nous de l’autre mais le fait est que cela a extrêmement bien pris. Quand on a connu les sujets de ces 3 journées avec Thomas (Cruzol), ma réaction a d’abord été de penser que les étudiants d’Epitech n’allaient pas forcément se les approprier mais globalement, peut-être et sûrement grâce aux énarques, ils ont très bien réagi et ont su prendre à bras le corps ces sujets pourtant pas faciles, complexes ».
Le mot de la fin
C’est à Thomas Cruzol, directeur du développement régional, qu’il revient de conclure : « c’est peut-être par des événements de ce genre qu’on arrivera à faire bouger les lignes même dans ces domaines très formatés que sont les politiques publiques ». On espère en voir plus encore et en tout cas l’an prochain pour une deuxième édition.