Je, tu, ils, où est passé le nous ?
Les jeunes sont un mystère pour les leurs aînés, ce n’est pas une nouveauté. On en parlait jeudi à propos de l’éventuelle dictature du LOL. On en a parlé hier selon un tout autre angle de réflexion : le « vivre-ensemble » pour résumer et reprendre cette expression consacrée. Les étudiants ont apprécié, cela s’est vu dans la qualité des projets proposés à la fin de ce vendredi 4 septembre, avant-dernière journée de cette piscine Moonshot 2015.
Avis de disparition
Il s’agissait de réfléchir sur la question du comment vivre ensemble dans une société apparemment divisée et déchirée, où le chacun pour soi l’aurait emporté sur le sens du collectif et l’engagement citoyen. La question offerte à la sagacité de nos étudiants était formulée ainsi : « Autonomie / Empowerment : où est passé le nous ? ».
Les jeunes vieux
Pour y répondre, Arnaud Ziegerman co-fondateur et directeur associé de l’institut de sondage Viavoice et Jérôme Cohen, fondateur d’Engage / Make desirable futures happen, sont venus alimenter la réflexion de nos étudiants. Membres eux de la génération X, ils n’ont pas manqué de rappeler que, certes jeunes vieux, ils n’étaient pas forcément d’accord avec cette vision souvent partagée des jeunes d’aujourd’hui évidemment égoïstes, paresseux, intolérants et peu engagés…
(de gauche à droite : Arnaud Ziegerman et Jérôme Cohen)
La désintégration finale ?
Ces chaleureux qualificatifs appliqués sur des générations Y et Z qui n’en demandent pas tant sont issus d’une étude Ipsos (de 2011) qu’Arnaud Ziegerman a rappelée. Il a aussi souligné qu’on pouvait bien ne trouver aucune limite aux arguments décrivant la montée de l’individualisme en France, cette société bientôt fragmentée entre atomes isolés les uns des autres si l’on écoute les intellectuels du tout va mal. Vous pouvez retrouver un bon résumé de sa conférence stimulante ici.
Sacrifice non merci
Lui comme Jérôme Cohen ont bien sûr acté, comme tout le monde depuis Tocqueville, la fin du rôle inclusif des organisations traditionnelles comme l’Eglise, les partis politiques, les syndicats… « Cela est incontestable, comme l’assure Jérôme Cohen. On peut même parler comme Alain Souchon dès les années 80, d’une ultra-moderne solitude ». « Le sens du sacrifice n’est plus valide, nous ne sommes plus dans l’abnégation et ce n’est pas plus mal », reprend Arnaud Ziegerman.
L’alliance des contraires
Le grand corps de l’État-nation s’effrite depuis longtemps, les communautés sont dispersées, « chacun pousse sa vision du futur, comme le dit Jérôme Cohen. Qu’y a-t-il de commun entre un libertarien de Google et un décroissant ? (…) Pour travailler ensemble à des choses qui nous dépassent, il faut se développer soi-même, comprendre mieux ce monde dans lequel nous vivons et des outils pour mettre ce niveau de conscience supérieure en pratique. C’est ainsi que l’on réussira ce mariage de l’égoïsme et de l’intérêt général. »
S’ouvrir à soi pour s’ouvrir aux autres
Selon Arnaud Ziegerman, « ces nouvelles tendances « altruistes / égoïstes » sont des signaux faibles pour l’instant, reste que 57 % des Français ont toujours envie de s’engager… Et un fait : il y a une véritable aspiration parmi les jeunes générations de se regrouper, d’être ensemble et en se réunissant, de faire des choses. »
Homo-empathicus
« Les choses ne vont pas se passer naturellement, le risque de guerre revient, les déplacements massifs de population ont repris, ceux à la suite du dérèglement climatique sont à venir, avoue Jérôme Cohen. Nous sommes à la croisée des chemins. Mais les choses changent, même à l’intérieur des entreprises, même celles du CAC 40, le rapport au travail et le sens du travail évoluent. On peut réinventer la société en s’appuyant sur les homo-empathicus, qui veulent se développer dans la joie, devenir ce qu’ils ont envie d’être. »
Même pas peur
Cette envie, la promo 2018 l’a prouvée et ce, dans la bonne humeur alors que nous nous approchons de la fin de cette semaine d’idéation. D’un projet d’une service de messagerie eco-friendly à une sorte de Tripadvisor totalement ré-orienté vers le service à la collectivité ET au particulier, en passant par de nouvelles formes de réunion en temps réel des communautés d’amateurs de musique, les étudiants s’en sont donnés à cœur joie. Eh oui… de la même façon d’ailleurs que l’année dernière sur ce type de thématique.