Invinotech, quand le terroir rencontre les technologies
« In vino veritas » est une maxime très antique, InvinoTech un concept très contemporain. Invinotech est même à notre connaissance le premier hackathon français sur le sujet de la filière vin. L’occasion de réunir deux mondes qu’on pourrait croire très éloignés : l’I.T et cette filière vitivinicole. Coorganisé par Epitech Strasbourg, l’association Alsace Digitale et Sommeliers Particuliers, cet événement s’est déroulé du 16 au 18 février, dans le château de l’Agence d’Attractivité de l’Alsace à Colmar, dans lequel les étudiants Epitech se sont comme toujours démenés aux côtés de leurs coéquipiers. Retour sur le fruit de ces cogitations et prototypes.
Acculturation et ouverture d’esprit
« Historiquement, le monde de la viticulture ne côtoie pas celui de la technologie, souligne Gilles Neusch, le directeur du Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace (Civa), mais ce hackathon et ce mix de compétences nous a permis d’avoir des regards croisés sur des problématiques très intéressantes ». Justine Brendel (promo 2020) confirme : « ça ouvre de nouveaux horizons parce que les personnes avec lesquelles on travaille le temps d’un week-end n’ont pas les mêmes points de vue ». Et c’est en croisant les points de vue que les perspectives s’ouvrent.
(Château Kiener, dans lequel s’est déroulé Invinotech)
Congratulations appuyées
Mais quand on n’a jamais pratiqué l’exercice, ce n’est que qu’à la fin des 2 jours qu’on en comprend toute l’efficacité : « je voudrais personnellement remercier les étudiants Epitech qui se sont vraiment impliqués jour et nuit, qui étaient prêts à tout donner et qui ont fait du super boulot » souligne Gilles Neusch. « Les étudiants Epitech, c’est « un monde » que je découvre complètement. Ils sont très humains et comprennent très vite les choses, je leur ai dit qu’ils pourraient venir travailler chez nous quand ils le voulaient ». C’est dit.
Les enjeux d’Invinotech
Avec la modernisation et les changements des modes de communication, « on s’est fait dépasser par d’autres vignobles » explique Gilles Neusch. « On s’est donc demandé ce qu’on pouvait faire avec les outils technologiques pour mieux faire connaître les vins d’Alsace, et en augmenter ainsi la désirabilité ».
À la dure mais au beurre
Comme tout bon hackathon qui se respecte, les participants ont peu dormi mais en contrepartie ils ont pu déguster les vins des viticulteurs présents et très bien mangé… De l’agréable à l’utile : pour se perfectionner dans l’exercice difficile du pitch prévu en fin d’après-midi dimanche 18, les étudiants ont aussi pu bénéficier de 15 séances de coaching par des professionnels des métiers de la communication.
La dégustation tactile du vin d’Alsace
Guillaume Hitier (promo 2020) précise aussi que grâce aux porteurs de projets qui ont réussi à vulgariser leurs connaissances, il a réussi à comprendre rapidement ce qu’est une « dégustation tactile ». C’est d’ailleurs en partant de cette notion que le groupe a travaillé. Composée de Justine Brendel, Tristan Grunert, Valentin Strassel et Guillaume donc (tous les quatre de la promo 2020), cette équipe a mis en place une application qui permet de déguster le vin d’une différente manière, de manière « tactile ».
(Tristan, Justine, Guillaume et Valentin au travail, en bout de table)
Terroir et territoire
En scannant l’étiquette d’un vin, l’utilisateur peut répondre aux questions d’un chatbot et savoir s’il a réussi à bien comprendre la forme du vin qu’il a goûté. « Le but est également d’éduquer le client aux vins de terroir, de remettre de l’attractivité dans les vins d’Alsace, et de donner au consommateur des informations qui ne sont pas toujours hyper accessibles », précise Guillaume. Selon la viticultrice porteuse du projet, « la dégustation est la clé d’accessibilité au terroir ».
Quand les sommelier.e.s rencontrent des développeurs
Yann Carlen, Alexandre Saubusse, Quentin Muller et Thibaud Huber, tous les quatre de la promo 2020 de même, ont travaillé sur la revalorisation des vins d’Alsace dans les restaurants gastronomiques de France, en compagnie de Caroline Furstoss, sommelière alsacienne bien connue de la région. Ensemble, ils ont élaboré une interface entre professionnels de la restauration et sommeliers alsaciens. En fonction des données et des habitudes des clients d’un restaurant, cette application propose au gérant de choisir un vin alsacien plutôt qu’un autre vin ayant les mêmes caractéristiques. On peut aussi commander directement des bouteilles sur cette interface.
(toute l’équipe autour de Caroline Furstoss à droite)
+1
Caroline Furstoss est sortie enchantée de cette expérience hackathon qui lui a permis de « découvrir un milieu qu’elle ne connaissait pas du tout ». Elle ajoute : « ces étudiants Epitech sont vraiment ouverts au monde. Comme ils ont l’habitude des hackathons, ils nous ont mis en confiance, nous qui ne connaissions pas du tout l’exercice ». À force d’heures passées devant l’écran de l’ordinateur, « de toute cette émulation, toutes ces idées qui fusaient, on a réfléchi à quelque chose qui tienne vraiment la route » commente Caroline Furston. Une satisfaction collective.
(Florent, Erwann, Arnaud et Baptiste)
S’entraider
Dans une autre salle du château, un groupe d’étudiants a mis en place une application permettant l’échange de biens et de services entre viticulteurs. Florent Cucherousset, Erwann Ballet, Baptiste Hector, Arnaud Wurmel et Victorien Fischer (tous promo 2020) ont pensé créer une communauté entre les vignerons d’Alsace, en leur permettant de mutualiser leurs machines et outils afin d’amortir l’investissement. Grâce à un outil de géolocalisation, le viticulteur qui se connecte sur la plateforme peut voir s’il trouve autour de lui un autre viticulteur voulant lui prêter un matériel, ou lui rendre un service.
Les projets primés
Le jury composé de sept personnes a fixé la durée des pitchs à 3mn puis 5 mn de questions / réponses. Il n’a évidemment pas hésité questionner la viabilité du modèle économique d’un projet. À la suite de son délibéré, tous les projets ont été primés ! Il y avait effectivement 7 prix offerts par les sponsors de l’événement, pour amorcer les débuts des projets, et autant de projets. Tout le monde est donc rentré chez soi avec le sentiment du devoir accompli.
Récapitulatif des projets et de leurs prix :
- Projet « Le goût du terroir » : prix CCI Alsace Eurométropole,
- Projet « VitiPartage » : prix Crédit Agricole,
- Projet « Emotion’Alsace » : prix Orange,
- Projet « Wine’Op » : prix SCALINGO, Prix IKIGAI & Prix GRAND E NOV,
- Projet « Vitiguide » : prix CCI Alsace Eurométropole,
- Projet « AGPV » : prix Orange & Prix Bpi France,
- Projet « MIAM » : prix CCI Alsace Eurométropole & Prix Scalingo.
Les mots de l’initiateur du projet
C’est Thomas Cruzol, directeur du développement d’Epitech Strasbourg, qui est à l’initiative de cet événement. Enfant du pays, au cœur de la route des vins, il s’est rendu compte en discutant avec des viticulteurs que les vins d’Alsace n’étaient pas assez connus, malgré leur qualité. Le projet a commencé à germer dans son esprit en mars de l’année dernière, en faisant se rencontrer Sommeliers Particuliers et Alsace Digitale.
(au fond au milieu, Thomas Cruzol)
Préparation en amont
Pendant plusieurs mois, il a fallu organiser des conférences et des ateliers d’acculturation pour préparer les viticulteurs à ce qu’est un hackathon et pour les aider à formuler leurs problématiques et les faire comprendre aux développeurs, ces étudiants d’Epitech pour qui les hackathons sont monnaie courante. « On veut réellement accompagner les projets qui se sont mis en place pendant cet hackathon, précise Thomas, l’objectif étant de continuer à travailler avec les équipes une fois l’événement passé ». Le but était également de rassurer les viticulteurs sur les bienfaits de certaines formes d’innovation.
« Une belle réussite »
« À long terme, nous voudrions construire une association pour asseoir la démarche et renouveler l’expérience l’année prochaine », conclue Thomas. Ses sentiments sur l’événement ? « On était forcément inquiets, car c’était la première édition, raconte-t-il, mais tout le monde s’est pris au jeu et personne n’a pris ça à la légère ». Rendez-vous l’année prochaine donc pour une seconde édition…