L’ENA hacke les politiques publiques avec Epitech
Les 13 et 14 juin prochains, le cycle innovation mené par l’ENA et Epitech via la chaire ENA / ENSCI, arrivera à son terme avec le hackathon. Ce cycle innovation, intitulé « Les politiques publiques en 3 hacks » (#innov3hacks) a commencé en février dernier avec 2 jours d’ateliers et de construction collaborative de projets orientés Design. Le deuxième round s’est déroulé en mai et fut cette fois-ci axé Nudge (la théorie du « coup de pouce »). Deux approches différentes mais complémentaires pour réfléchir à des projets de terrain capables de révolutionner l’accès aux services publics et leur usage.
Explorateurs de politiques publiques
Comme le souligne Thomas Cruzol, directeur du développement régional d’Epitech Strasbourg et l’une des chevilles ouvrières de ces opérations innovation depuis l’an dernier, « cette année, il y aura eu beaucoup plus de préparation, d’idéation, de conception, d’immersion méthodologique… Pour ce faire, nous avons organisé 3 x 2 journées, sur plusieurs mois sans oublier plusieurs journées par mois pour garder cette dynamique entre les ateliers. L’année dernière, en 48 heures les équipes étudiantes devaient sortir une problématique, un projet et le pitcher. Cette année, le hackathon sera plutôt un « sprint final » de 48 heures pour travailler sur la présentation de projets toujours plus élaborés, grâce et suite aux opérations Design et Nudge ».
Des partenaires et des défis
« Au-delà de l’immersion, ajoute-t-il, il faut qu’il y ait un lien fort entre les commanditaires et les étudiants, pour faire en sorte que les prototypes soient testés et intégrés au sein des services impliqués. Pour un vrai retour sur investissement, autant pour les élèves que pour les futurs utilisateurs de leurs projets », souligne Thomas Cruzol.
Applaudissements
Cela tombe bien, c’est ce que les étudiants de l’ENA demandent aussi. Ainsi de Pierre, de la promo Clémenceau : « c’est très bien que l’ENA s’engage, tous les étudiants sont ravis de cette ouverture de l’école, on soutient cette dimension. Nos feedbacks sont entendus, on sent une vraie progression au cours de la semaine avec nos intervenants qui sont tous dans la proximité. Pour nous, c’est globalement une très bonne vision qui gagne à se concrétiser et à se transcrire en actes ».
Les vieilles règles et l’innovation
« Par exemple, poursuit-il, un intervenant nous a parlés d’un cas d’innovation très concrète, qui permettrait de suivre la vie d’une voiture grâce à une sorte de passeport via la blockchain. En tant qu’étudiant de l’ENA, je pense tout de suite à l’un des articles fondateurs de la micro-économie, celui de George Akerlof sur le « Market for « Lemons » » expliquant qu’il y a une asymétrie d’information dans les échanges autour des voitures d’occasion : on ne peut pas, en tant que client, savoir si on nous dit la vérité. Or, avec cette innovation, le problème serait résolu ».
Epitech, just make it
« Ce que j’ai trouvé exceptionnel, c’est les discussions avec les étudiants d’Epitech, qui nous racontaient les programmes qu’ils avaient pu concevoir. J’ai discuté avec un des garçons présents : il a commencé en quatrième à coder dans sa chambre. Il voulait acheter un bien régulièrement en ligne mais à très forte demande d’où la question : comment faire pour ne pas le manquer ? Il a créé un programme pour avoir un pop-up dès que le lien était disponible. Si je pouvais avoir la même chose ne serait-ce que sur l’appli TGVmax… (sourires) ».
La concrétude des choses
Avec cette ambition de traduire dans le réel les projets qui vont sortir de ce cycle innovation, des partenariats multiples ont été actés avec des acteurs essentiels tels que la préfecture de Région Grand Est et ses directions, Pôle Emploi ou Alsace Digitale, association regroupant une bonne partie de l’écosystème numérique alsacien de l’innovation et pilier de la FrenchTech. La Brasserie des Idées, le laboratoire de l’innovation sociale et politique de la Région Grand Est a évidemment renouvelé comme l’an dernier son implication. Des défis ont ensuite été définis, à charge ensuite pour les équipes étudiantes de les relever pour les inscrire dans la réalité, dans un avenir proche.
La mobilisation du réseau national Epitech
14 étudiants, issus d’Epitech Strasbourg et d’Epitech Rennes sont venus participer au premier « round » Design, les 22 et 23 février derniers, un problème de grève perlée a empêché ces étudiants de Bretagne de revenir participer à celui sur le Nudge les 3 et 4 mai. En revanche, 18 étudiants d’Epitech Toulouse y sont venus, pour intégrer eux des groupes d’étudiants issus du concours interne de l’ENA (ouvert à tous les agents publics ayant au moins 4 années de services publics au 31 décembre de l’année de ce concours d’entrée), la promo Pasteur. Ils auront fait les ateliers Design entre-temps avant de venir rejoindre tout le monde et pitcher leurs projets ces 13 et 14 juin prochains.
Première fois
Tiphany Guerin, promo 2022 donc en première année à Epitech n’avait pas encore eu le temps de participer à ce type de challenge ou autre hackathon : « je me suis dit que cela me permettait de travailler sur des projets concrets, et d’avoir des retours d’expérience de professionnels. Avec mon équipe, on travaille sur les visites de contrôle d’État en entreprise ».
Une séparation logicielle
« On a pu rencontrer des personnes de l’administration et avoir des retours sur ce qui pourrait être amélioré. On a eu un rendez-vous avec le directeur de la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi), il nous a expliqués comment tout cela fonctionnait et là, on s’est rendus compte qu’il y avaient deux pôles qui ne communiquent pas tout simplement parce qu’ils n’ont pas les mêmes logiciels. Un logiciel commun permettrait une mise en réseau plus fluide entres ces pôles… ».
Le legs du concordat
Pour Benjamin Solca (promo 2021), « c’était ma première fois aussi. Avec notre groupe, on travaille sur la problématique du mode de financement des associations. C’est un sujet assez vaste et complexe. J’avais du mal au départ à voir où l’informatique et les technos pouvaient avoir leur utilité dans ce domaine mais j’ai fini par comprendre (sourires) ce qu’elle peut apporter : on a regardé le portail et la plateforme existants pour enregistrer une association. C’est là où l’on a été bloqués, car on a vu qu’en Moselle et en Alsace on ne peut pas créer de compte « comme ça », à cause de la législation issue du concordat. Il fallait proposer un moyen pour avoir cette communication et un suivi ».
L’idéal
Pour Maëlig, étudiant de l’ENA et membre de ce même projet « on nous avait programmés 19 entretiens avec des problématiques vraiment différentes. On essaie de répondre à toutes ces structures en simplifiant un peu la vie. Le but, c’est aussi de dématérialiser les circuits de courrier dans les administrations qui prennent beaucoup de temps, ce n’est pas exactement exceptionnel… On voudrait faire de cette plateforme un moyen d’échange avec les administrations, toute la difficulté, c’est de l’étendre de l’État aux collectivités (…) Dans un monde idéal, on essaie de se dire que sur le modèle de Kickstarter, on pourrait faire du crowdfunding en demandant aux associations de présenter leurs projets, pour les faire financer par les partenaires publics mais aussi par la population locale qui serait intéressée ».
La fraicheur de la jeunesse
Constance Stoyanov, travaille au cabinet du préfet et à la direction régionale jeunesse, sport & cohésion sociale « d’où ma présence ici (les 22 & 23 février, ndlr), pour partager avec les étudiants. Ils ont beaucoup à apporter, certains ont déjà fait des stages dans le domaine associatif. Il y a eu un vrai travail d’immersion réalisé le premier jour d’atelier, avec des visites d’associations ou d’entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), ce qui a nourri les échanges. Quant à moi, j’ai parlé de ma pratique professionnelle et de ma connaissance pratico-pratique du mode de subventionnement et de soutien aux associations par l’État ».
Le Nudge
Les 3 et 4 mai derniers est venu le temps des ateliers Nudge. Pour ceux qui n’en savent rien, « le Nudge, résume Thomas Cruzol, est une analyse comportementale de l’usager qui vise à clarifier le message donné par un porteur de projet aux usagers. L’objectif étant à travers des messages clairs et précis, de pratiquer le marketing de façon très différente, par un « coup de pouce ». Un exemple concret, c’est plutôt que de dire à une personne « il vous reste une semaine pour vous inscrire ici », il vaut mieux dire « 70 % de vos amis l’ont fait, pourquoi pas vous ? ».
Pivot et perfectionnement
« Les étudiants reprennent leurs projets sortis du premier atelier de février, certains projets ont « pivoté », d’autres ont fusionné suite à cette « couche » de Nudge qui s’est ajoutée à celle du Design parce que certains porteurs de projets se sont rendus compte que leur approche n’était pas la bonne et qu’en tenant compte des remarques et des conseils de nos coaches en Nudge, il valait mieux corriger le tir. Voire parfois même repartir de zéro, pour éviter de se « planter », tout simplement. Et de concourir dans les meilleures conditions, avec des projets affutés, le 14 juin prochain ».
Vu à la télé
Comme le dit lui-même Patrick Gérard directeur de cette école emblème de la France, sur le plateau de Quotidien : « concevoir ce que vont être les politiques publiques dans les 30 ou 40 qui viennent, dans un monde qui est beaucoup plus difficile en termes de sécurité, plus difficile en matière climatique, un monde qui sera très différent suite à la transition numérique, pour cela, il faut être imaginatif et capable de créativité ». On se donne rendez-vous pour les pitchs du 14 juin pour le constater.